Bicentenaire de l’acquisition du château de Védilhan par la famille Fayet
Le 20 avril 1824, Louis XVIII régnant, Antoine Fayet (1793-1873) qualifié de « propriétaire » et natif de Beaucaire acquiert le domaine de Védilhan à Moussan près de Narbonne d’une superficie initiale de 64 hectares.
Antoine Fayet est issu d’une branche de la famille FAYET établie à Beaucaire au début du 18ème siècle ; son lointain oncle Pierre Fayet, célibataire et sans descendance et issue d’une famille intimement liée au commerce sur le Canal du Midi, prendra sous sa coupe son neveu au 5ème degré et le fera son légataire universel.
Ainsi après avoir hérité de son oncle des domaines de Milhau (Puisserguier), La Tour (Montady) et de la Fontneuve (Béziers), Antoine qui s’était marié à Antoinette Azaïs, fille du célèbre bâtonnier Jacques Azaïs, fondateur de la Société archéologique de Béziers en 1822, décide à son tour d’investir dans la terre.
Il revend la Fontneuve et se porte acquéreur du domaine de Védilhan, dans l’Aude.
Védilhan, tour à tour propriété des vicomtes de Narbonne, ferme de l’abbaye cistercienne de Fontfroide, du chapitre de la cathédrale St Just, seigneurie inféodée à la famille de Tarrabust devient donc sous la Restauration, propriété de la famille Fayet qui a commencé à investir dans la terre dès la fin de l’Ancien Régime quand Pierre Fayet achetait La Tour en viager.
Le domaine de Védilhan était en fait un hameau regroupé autour du château construit sur une bute sise au milieu de l’ancienne plaine alluviale de l’Aude, dont le lit à cet endroit était désormais occupé par le canal de la Robine.
Antoine Fayet de son vivant et jusqu’à sa donation-partage de 1871 continua une politique d’acquisition foncière pour léguer à son fils aîné, Léon, une propriété de 190 hectares évaluée 900 000 francs, tel qu’il ressort de l’acte signé chez Me Vidal, notaire à Béziers. Il sera parrain d’une cloche du carillon de l’église de Moussan.
Léon, célibataire nous laissera plusieurs vues du domaine avant les grandes transformations réalisées par son frère Gabriel, le « bâtisseur » de la famille.
A sa mort en 1880, Léon laisse Védilhan à son frère cadet Gabriel (1832-1899), peintre comme lui. Gabriel déjà détenteur de la propriété familiale de Milhau déjà évoquée, avait par son mariage avec Elise Fusier, fait rentrer dans la famille Fayet, les propriétés de Canet à Puisserguier et La Dragonne à Béziers ainsi que l’ancien hôtel de Villeraze, rue du Capus à Béziers.
Gabriel peint Védilhan à son tour quelque temps avant, dans ces temps d’opulence viticole, d’opérer une transformation radicale de la propriété tant au niveau de l’habitation de maître que des communs et en fait une propriété viticole de premier plan.
S’il a voulu comme à la Dragonne, transformer l’ancien château datant du 17ème siècle, Gabriel a aussi marqué de son empreinte la construction de chais hors du commun pouvant contenir jusqu’à 40 000 hectolitres. Laissons parler P. Ferrouillat dans Le Progrès agricole & viticole du 22 août 1897 à propos de la cave dont l’architecte Paul fut à l’origine de la conception : « Cette installation est sans doute luxueuse et les proportions de l’édifice sont plutôt exagérées. Mais on ne peut se défendre d’un sentiment d’admiration quand y pénètre pour la première fois. C’est une démonstration parlante de la puissance de notre viticulture méridionale ».
A sa mort en 1899, Gabriel laisse ainsi une propriété de 210 hectares à son unique fils Gustave qui s’y installe dès lors et ce jusqu’en 1904. Sa fille Yseult y naîtra en 1900.
Gustave continuera dès lors, et jusqu’à la donation-partage de 1923 au profit de son fils Antoine, à améliorer l’installation réalisée par son père, appuyé sur la qualité de ses hommes de confiance, l’avocat Thomas et pour Védilhan, le régisseur Tisseyre.
On apprend dans le Journal de la Société Centrale d’Agriculture de l’Aude de mai-juin 1917 que nous sommes en présence « de l’un des plus importants vignobles du Midi et de l’une des caves les plus vastes, qui doit être et qui est en effet une des mieux organisées ».
Gustave améliore encore le processus de vinification des 22 à 25 000 hectolitres récoltés en moyenne tant en rouge qu’en blanc.
Fidèle à la tradition familiale de ses aïeux biterrois « patrons sur le canal », Gustave profite de la proximité immédiate du canal de la Robine pour acheminer grâce à des wagonnets traînés par un cheval les demi- muids de la cave au port en vue de leur commercialisation.
Les relations de la famille Fayet durant ces années avec la municipalité de Moussan ne sont pas toujours évidentes comme l’attestent plusieurs procès concernant des chemins communaux ou le pacage des moutons.
De même qu’on trouve trace dans la presse locale de l’époque d’une grève des salariées du domaine payées… 10 centimes de moins que leurs camarades féminines du village !
Les relations s’amélioreront par la suite : Antoine le fils de Gustave deviendra conseiller municipal de la commune durant l’entre-deux-guerres, permettant ainsi le vote de l’électrification du domaine en 1924 !
Védilhan échoit à ses fils jumeaux, Gérard et Jean, à sa mort prématurée en 1943.
Avec l’aide de leur mère, Adrienne Mandeville, le vignoble est « remonté » même s’il faut se séparer d’une dizaine d’hectares.
Les foudres sont abandonnés, la mécanisation s’amplifie au détriment du cheval. Après deux épisodes de gel catastrophique, en 1956 et 1963, le vignoble doit de nouveau faire l’objet de replantations massives.
La 6ème génération aux commandes amorcera le virage de la production qualitative au détriment d’un modèle productiviste dont les débouchés commencent à se tarir dans un contexte hygiéniste (loi Evin).
En 1999, Pierre Fayet et ses cousins, fils de Gérard, décident d’investir dans les chais pour permettre la vinification des vins blancs et rosés et d’améliorer encore la qualité des vins produits sur le domaine.
Depuis 2015, Bruno et Henry, les fils de Pierre, représentants de la 7ème génération de Fayet à Védilhan continuent l’œuvre familiale sur ces terres en continuant la modernisation des chais, améliorant sans cesse le processus de production, tant sur la partie culturale que sur la vinification (cuverie inox installée en 2021) et sortiront la première cuvée embouteillée du domaine en 2022.
En hommage à leur illustre aïeul Gustave Fayet dont nous commémorerons le centenaire du décès en 2025, les étiquettes de vin du domaine reprennent les dessins réalisés pour illustrer Mireille de Frédéric Mistral.
Henry Fayet